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La vraie de vraie

Je vois la rétrojection de la communauté Lucquienne dans tes yeux, mon chéri...

Après un matin particulièrement décevant à l'église, vous pouvez vous remonter le moral en parcourant les pensées de Gumbleton et Greeley sur l'Évangile du jour, qui vont presque inévitablement faire paraître l'homélie, que vous venez d'entendre, comme bonne en comparaison. Ils sont énervants, en partie parce qu'ils utilisent l'Évangile comme un moyen pour atteindre un but polémique quelconque; mais ils sont énervants aussi en partie à cause du Jésus semi-Arien qu'ils nous présentent. Leur Jésus finit par être un prédicateur dissident avec une idéologie sociale truculente: un homme, en fait, qui leur ressemble beaucoup.

Cette saveur de christologie me rappelle un problème latent dans le dénigrement de l'adoration Eucharistique du Dr. McCorry:

«Peut-être que Dieu est en train de nous dire qu'on doit déplacer notre attention de Jésus présent dans le tabernacle, à Jésus présent dans le tabernacle de nos frères et soeurs. C'est parce que, mes amis, en fin de compte, l'endroit où l'on conserve le saint sacrement n'est absolument pas aussi important que la manière dont on traite le saint sacrement qui est contenu dans le tabernacle des gens que nous rencontrons à tous les jours.»

À la première lecture, cette suggestion peut sembler édifiante («ce que vous avez fait au plus petit d'entre les miens, c'est à Moi que vous l'avez fait ...» [Mt 25:40]). Mais trouver Jésus dans nos frères et nos soeurs n'est édifiant, que si Jésus Lui-même est quelque chose d'extraordinaire. Quand Mère Thérèse de Calcutta a dit que Jésus devait être trouvé «sous les traits en détresse des pauvres», sa confession était frappante. Pourquoi? Parce qu'elle croyait que Jésus était Dieu Incarné, et que de voir Dieu Incarné comme étant, d'une certaine manière, présent dans un homme misérable, est de reconnaître que cette personne est intrinsèquement digne de révérence. Mais si vous êtes un christologue à la sauce d'Évangile social, de dire que vous trouvez Jésus dans les autres, est de dire que vous trouvez le Jésus que vous avez vous-même trouvé dans le Nouveau Testament: un rabbin hétérodoxe de la Galilée du premier siècle. Oui, c'est supposé être un compliment, mais cela ne vous ébranle pas, cela ne vous force pas à confronter, radicalement, la différence de traitement que vous accordez aux gens importants et insignifiants. Si on n'a pas à faire tout un plat avec Jésus, Le retrouver dans les autres n'est pas important non plus.

Maintenant, considérons de nouveau l'adoration Eucharistique. Mère Thérèse la considérait comme une nécessité quotidienne, si elle et ses soeurs devaient persévérer dans leur travail. D'un côté, par l'adoration, on renforce notre Foi en Jésus Dieu Incarné, alors même où cette croyance appelle le croyant à l'adoration. Mais rendre un culte au corps de Jésus sous les apparences du pain, nous habitue aussi à une déconnection particulière entre l'apparence et la réalité, là où la réalité sous-jacente est infiniment plus précieuse que ce qui apparaît à la surface. Il est comparativement plus facile de servir les gens pauvres lorsqu'ils sont coopératifs et reconnaissants, et qu'ils donnent un sentiment de réussite à celui qui les sert. Mais parfois, nous dit-on, ils sont rébarbatifs au point où ils sont carrément repoussants. C'est à ce moment où les bien-pensants auto-félicitants abandonnent la partie et retournent à la maison, et c'est le moment où la vraie charité saute sur la patinoire. C'est le moment où il est impossible de voir le vrai visage de Jésus dans les misérables (ou les malades, ou les aliénés) sinon comme pur acte de Foi. Et c'est le moment où c'est vraiment important de savoir si Jésus est divin ou non, parce que croire en une étincelle de divinité vétue de répugnance, est la seule raison pour continuer à donner de l'amour, lorsqu'il est payé de mépris.

Lorsqu'une catastrophe humaine quelconque (une famine, une épidémie, un tremblement de terre) captive l'imagination publique, il y a habituellement une réaction perceptible de compassion de grande envergure -- perceptible, parce que (et tout aussi longtemps que) les équipes de tournage pointent leurs caméras sur les efforts des secouristes. Je ne veux pas entacher la réputation de cette compassion spontanée, mais je suis beaucoup plus impressionné par ceux qui demeurent, qui restent avec les gens misérables pris dans leurs circonstances misérables, de longues années après que l'excitation médiatique ait cessée et que tous les autres les aient oubliés -- tout particulièrement lorsque les pauvres, qui sont vertueux et aimables, ont été suffisament soulagés, et où il ne reste que les moins vertueux et les moins aimables. Les McCorrys de ce monde voudraient qu'on «déplace notre attention de Jésus présent dans le tabernacle, à Jésus présent dans le tabernacle de nos frères et soeurs». Mais je voudrais demander: qui sont les gens qui, dans les faits, sont là jusqu'au bout -- ceux qui voient l'adoration et la charité comme des alternatives mutuellement exclusives, ou ceux qui voient la première comme un motif et un soutien pour la seconde?

Copyright © 2007 Catholic Culture. Traducteur: SJJ

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