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Comment ne pas diriger une chorale de chant Grégorien

Un bon directeur de chorale accepte humblement ses limites et celles de ses chanteurs, plutôt que de rêver en couleur.
Un bon directeur de chorale accepte humblement ses limites et celles de ses chanteurs,
plutôt que de rêver en couleur.
[Source gauche, Source droite]

1) Introduction

J'aime beaucoup aller à la Messe, surtout si le prêtre a encore la Foi catholique! J'aime aussi le Chant Grégorien, car il élève l'âme vers le Ciel (quand il est bien chanté). À cause de ces deux amours, je deviens presque enragé quand je vois un «prêtre» qui fait des graffitis sur la liturgie, ou que j'entends une chorale qui rabaisse l'âme vers la Terre en vandalisant le chant grégorien.

Je ne connais pas grand chose des pratiques exemplaires pour diriger une chorale de chant grégorien (une «schola»), ou la technique de la «chironomie» grégorienne, ou tous les noms techniques des «neumes» (notation musicale grégorienne), ou le «solfège», etc.

Cela étant dit, je connais certaines choses qu'il ne faut pas faire lorsqu'on dirige une chorale grégorienne. Cet article est un résumé de certaines des pires expériences musicales que j'ai entendues dans des églises, au fil des années, au Canada et aux États-Unis.

2) Le péché capital: s'imaginer qu'un mauvais chant est préférable au silence sacré

Pauvre âme qui tente de prier pendant qu'une mauvaise chorale l'entraine vers la Terre.
Pauvre âme qui tente de prier pendant qu'une mauvaise chorale l'entraine vers la Terre.
[Source]

J'ai de nombreux bons souvenirs de l'abbé Guillaume Loddé. Je me souviens qu'il montait parfois au jubé pour pratiquer le chant grégorien avec la chorale (il montrait ainsi l'importance du chant grégorien, en s'en occupant personnellement). Il nous avait bien dit que le chant n'est pas essentiel à la Messe, que si nous avions un doute pour une pièce ou l'autre, il suffisait de lui dire, et qu'il allait tout simplement réciter les paroles. Aucune anxiété. Soit qu'on connaît la pièce et qu'on la chante bien, soit qu'on se repose et le prêtre va lire les paroles.

Je me souviens de certaines expériences musicales si pénibles, que je me suis levé pour sortir dehors, le temps que la chorale finisse. Par contre, je me souviens de nombreuses Messes où la chorale était absente, et où je pouvais prier en paix en suivant dans mon Missel. C'est une des raisons qui font que, paradoxalement, les Messes en semaine sont souvent plus dignes et édifiantes que les Messes du Dimanche. On dirait que le Dimanche, les démons se déchaînent pour attaquer encore plus ce qu'il y a de plus sacré.

3) Non serviam: quand le Directeur de chorale donne des ordres au prêtre

C'est le chien qui doit branler la queue, pas la schola qui doit branler la Messe.
C'est le chien qui doit branler la queue, pas la schola qui doit branler la Messe.
[Source]

Je me souviens que, quand j'apprenais à servir la Messe, le bon Monsieur Domingue, qui est comme la veuve dans la Bible qui servait jour et nuit le SEIGNEUR dans son temple [Lc 2:37], m'avait bien dit que le prêtre est le premier servi. Tout ce que le servant de Messe fait, il doit le faire pour aider le prêtre, faciliter son travail, le soutenir, etc. Quelques exemples: disposer les vêtements liturgiques dans un ordre bien précis sur le comptoir de la sacristie, comme ça le prêtre pourra les revêtir presque automatiquement, sans être dérangé dans ses prières préparatoires à la Messe. Ou tendre la burette de vin avec la poignée pointée vers le Prêtre, pour qu'il n'ait pas à se débattre pour saisir la burette correctement. Ou soulever un peu le bas de l'aube du prêtre avant qu'il monte les marches, pour qu'il n'ait pas à s'inquiéter de s'empêtrer dedans, etc.

Il y a mille et une façons pour la chorale de «branler la Messe», de se mettre en premier en tassant le prêtre. Par exemple, quand il y a une petite pièce de «remplissage». Si la chorale (ou l'organiste, quand le «remplissage» est une pièce d'orgue) fait attendre le prêtre, c'est une manière de dire: «Eh, toi le prêtre, tu es prêt à continuer la Messe, mais nous la chorale nous n'avons pas fini, alors écrase!» Cela peut aussi être un chant qui commence en retard, et qui fait encore attendre le prêtre. Ou un Directeur de chorale qui ne contrôle pas son organiste, et qui laisse l'organiste «enterrer» le prêtre (ou même la chorale toute entière) en jouant trop fort.

4) Les sacrilèges dans le Temple par manque de virilité masculine

Femen qui tente de kidnapper l'Enfant-Jésus de la crèche au Vatican.
Femen qui tente de kidnapper l'Enfant-Jésus de la crèche au Vatican.
[Source]

Un de mes pires souvenirs de chorale est tellement bizarre, que vous ne me croirez peut-être pas. La Directrice de chorale était obèse. Pour être franc, elle avait un immense derrière. Je le sais, parce qu'elle portait des collants noirs très seyants, et qu'elle avait placé la chorale dans le choeur (la partie de l'église en avant, où le prêtre célèbre la Messe sur l'autel, alors que la chorale est normalement complètement en arrière de l'église, dans le jubé), et qu'elle se tenait debout sur une chaise pour diriger la chorale, littéralement «fesses au peuple», et qu'elle branlait son immense derrière au rythme de la musique.

Incroyable, mais j'ai des témoins. La pauvre dame est décédé il y a quelques années. Priez pour elle. Ce qui est le pire dans cette histoire, ce n'est pas qu'une pauvre femme soit un peu dérangée dans la tête. Il y a des fous partout. Ce qui est grave par contre, c'est quand le prêtre manque de virilité, et qu'il laisse passer de telles choses.

Remarquez l'image ci-haut, où on voit une femelle qui essaie de «kidnapper» le bébé-Jésus de la crèche au Vatican. On voit aussi un policier qui virilement va faire cesser cette sottise. C'est souvent ce qui manque aux mauvaises chorales: un prêtre capable de mettre ses pantalons et de «faire le ménage» virilement.

5) Que faire des chorales pauvres en talent, mais riches en bonnes intentions?

Schola petite mais propre.
[Source]

Certains me diront que je suis maléfique, que les chorales d'église sont normalement composées de bénévoles qui ne gagnent pas un sou pour tout leur travail (pratiques, répétitions, Messes, sans compter les Jours Saints et autres fêtes où on doit chanter encore plus, et voyager encore plus souvent à l'église). Je suis bien au courant de tout cela, ayant chanté quelques années dans une chorale de chant grégorien. Je me souviens même qu'à ma première année, après la dernière cérémonie de Pâques, j'avais quitté la chorale pour trois semaines en claquant la porte, tant j'étais épuisé par la charge de travail! Et je n'étais qu'un chanteur, pas le Directeur! (La charge de travail du Directeur est beaucoup plus lourde.)

Selon moi, l'Église catholique n'est pas méchante, et le bon Dieu ne nous impose pas des fardeaux impossibles à porter. L'Église veut que la liturgie soit embellie par le chant grégorien, donc il doit y avoir une solution. Voici, malgré mon absence de diplômes dans ce domaine, ce que je ferais pour secourir une chorale en détresse:

5.1) On attire les mouches avec du miel, et de nouveaux membres pour la chorale grâce à des succès publics. Le célèbre Edward Deming répétait souvent: «12) Enlevez les obstacles qui dérobent à l'ouvrier [...] son droit d'être fier de sa qualité d'exécution». Peu de gens vont donner leur temps pour se faire humilier publiquement. Mais si le Directeur de la chorale prépare des victoires pour ses chanteurs, ceux-ci pourront récolter la fierté du travail bien fait, les compliments de la foule, les louanges de leur pasteur, et surtout Ad majorem Dei gloriam!

5.2) On ne le maîtrise pas? On ne le chante pas! Par exemple, si un pianiste maîtrise deux pièces au piano, et commence à éplucher une troisième, et qu'il doit donner un récital devant des spectateurs, alors il va jouer deux pièces, pas trois! Non multa, sed multum. En effet, être capable de faire la différence entre une oeuvre bien exécutée, et quelque chose de bâclé, est le premier talent exigé de tout artiste. C'est aussi le talent le plus facile à acquérir, ce qui explique pourquoi c'est encore plus insultant pour les spectateurs, lorsqu'ils sont forcés d'endurer une interprétation bâclée.

5.3) Prioriser sans pitié. Pas de chants polyphoniques (qui sont accessoires) tant que nous ne maîtrisons pas tous les chants officiels de la liturgie. Pas de chants du Propre (normalement cinq: l'Introït, le Graduel, l'Alléluia ou le Tract, l'Offertoire et la Communion) tant que nous ne maîtrisons pas les chants du Commun (Gloria, Credo, Sanctus, Agnus). Pas de chants pour des occasions moins importantes tant que nous ne maîtrisons pas les chants pour les grandes Fêtes, comme Pâques, Noël, etc.

5.4) Grande ouverture aux pratiques, grande sélectivité aux Messes. Vous voulez venir pratiquer avec la chorale? Pas problème! La porte est grande ouverte! Amenez vos amis! Amenez votre chien! Les beignes et le café sont gratuits! Par contre, pour la Messe, seuls ceux qui ont prouvé leur maîtrise des chants peuvent monter au jubé.

5.5) Une seule voix. Pour chanter dans une chorale de chant grégorien, il faut avoir la capacité de ne pas se démarquer des autres. Si on peut écouter une chorale et dire: «Là, j'entends Madame X, ou Monsieur Y», le Directeur de chorale a échoué.

5.6) On ne travaille pas sans filet de sécurité. Bien sûr, le «vrai» chant grégorien se fait sans accompagnement d'orgue. Mais nous parlons ici du cas spécial d'une chorale riche en bonnes intentions et, et..., et riche en bonnes intentions!

Un bon organiste saura jouer très discrètement, avec des arrangements simples, juste assez pour être un filet de sécurité pour la chorale. En fait, avec un orgue électronique, l'organiste peut jouer seulement pour être entendu des chanteurs, mais presque pas du reste de la congrégation. Ainsi, même des chanteurs sans expérience ne pourront pas «perdre la note» ou «détonner». Dans l'Armée, on nos répétait: «Mieux vaut un lion qui commande un groupe de moutons, qu'un mouton qui commande un groupe de lions». C'est un peu la même chose pour le chant grégorien: moins vos chanteurs ont du talent, plus il vous faut un bon organiste.

5.7) Qui veut aller loin, ménage sa monture. Si les chanteurs ont dix heures par semaine à consacrer aux pratiques et aux répétitions, alors bien sûr on peut apprendre plus de chants. Mais si les chanteurs ont une heure par semaine, il faut diminuer grandement le nombre de chants à apprendre. Dans la même veine, si le Directeur veut faire apprendre un chant dans tel livre, et un autre dans tel autre livre, et un autre sur une feuille photocopiée, etc., au point où les chanteurs doivent constamment trimballer un lourd sac-à-dos de produits de papier, les «chevaux» risquent de se fatiguer plus vite...

5.8) Essayez de ne pas sonner comme un troupeau de vaches s'épivardant dans une rivière de mélasse en hiver. Bien sûr, il faut être capable de chanter toutes les notes correctement, les unes après les autres. Mais souvent, une fois que vous vous êtes débrouillé pour avoir au moins ça, le deuxième obstacle principal est la vitesse et la continuité. Je suis sûr qu'il est possible de chanter trop vite et avec pas assez d'interruptions, mais normalement les débutants chantent beaucoup trop lentement, et arrêtent beaucoup trop souvent et à l'unisson pour reprendre leur souffle.

5.9) On apprend à hurler avec les loups. Dans le mauvais vieux temps, pour apprendre le grégorien par imitation, il fallait abandonner toutes vos possessions, oublier le sexe pour toujours, et toujours faire la volonté de votre Supérieur. En d'autres mots, il fallait devenir moine, et ensuite chanter avec des moines chevronnés à tous les jours pour sept années, avant d'être considéré comme un chanteur grégorien tolérablement formé. Dieu merci de nos jours nous avons des lecteurs MP3! Trouvez tout simplement une bonne schola grégorienne, chargez toute l'année liturgique sur votre dispositif, et écoutez! Écoutez-les pendant que vous faites vos corvées à la maison, écoutez-les dans l'auto, chantonnez avec eux, puis chantez avec eux un peu, pour ensuite fermer votre dispositif et essayer de chanter seul sans aide, etc. (Ces temps-ci j'essaie d'imiter la Schola Bellarmina.)

6) Conclusion

Ubi caritas.

Je me souviens d'une chorale de chant grégorien où il y avait, en plus des chanteurs adultes normaux, plusieurs enfants qui suivaient leurs parents au jubé, et qui gazouillaient un peu au hasard, en essayant d'imiter les «grands». Comme ils n'avaient pas de grosses voix, et qu'ils étaient bien sages, cela ne dérangeait pas. Et on se disait que peut-être un jour ils pourraient se joindre à la vraie chorale, donc on les encourageait à venir.

Un jour que la Directrice avait été obligée de gérer (encore) des problèmes épineux de relations humaines pour des membres de la chorale, elle avait soupiré en disant: «Il y a deux chorales dans cette église: une pour les enfants, et une pour les bébés-lala!»

En effet, diriger une chorale de chant grégorien, c'est 5% de connaissances musicales, et 95% de relations humaines! Heureusement, une excellente recette pour les relations humaines, c'est justement un célèbre chant grégorien: «Ubi caritas». Il est chanté le Jeudi Saint au moment où le prêtre lave les pieds de douze paroissiens, pour imiter l'humilité et la charité du Christ:

Là où sont la charité et l'amour, Dieu est présent.
Ne formons donc tous qu'un seul corps:
Ne soyons pas divisés de coeur, prenons garde.
Cessent les querelles méchantes, cessent les disputes.
Et que le Christ soit au milieu de nous.

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