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100% des religions sont fausses (à ± 1%)

Caravaggio. L'incrédulité de Thomas.
«Infer digitum tuum huc et vide manus meas et affer manum tuam et mitte in latus meum;
et noli fieri incredulus sed fidelis!» [Jn 20:27]
(Caravaggio. L'incrédulité de Thomas. Source)

1) Introduction

Certaines personnes me demandent comment il se fait que je crois en Jésus-Christ, tout en affirmant aimer la science et le contact avec la réalité. Ces gens-là semblent dire que la foi et la raison sont incompatibles, et que je prétends le contraire.

2) «Ah oui, vraiment?»

D'abord, je n'affirme pas que la foi et la raison sont compatibles, bêtement comme ça, sans conditions. Au contraire, j'affirme que 100% (à ± 1%) des religions sont fausses. Ceci signifie que selon moi, une bonne approximation de départ pour quelqu'un qui ne connaît pas bien les religions est de supposer qu'elles sont toutes fausses.

Ajoutez à cela le fait que je pourrais être dans l'erreur (et par conséquent que Jésus-Christ ne serait pas Dieu, et qu'il n'aurait pas fondé l'Église catholique). Dans ce cas-là, toujours selon moi, toutes les religions seraient fausses, sans exceptions. Avouez qu'on est pas mal loin d'un «chèque en blanc pour la religion!»

3) «De quoi parle-t-on exactement?»

Creusons le sujet un peu plus. Qu'est-ce que la foi? Qu'est-ce qu'une croyance? Prenons un exemple simple. Un bon mari se prépare à quitter le bureau pour revenir à la maison, et téléphone à son épouse pour savoir s'il devrait acheter quelque chose à l'épicerie en passant. Son épouse lui dit: «Non merci chéri, il y a un gros jambon dans le frigo, on a de quoi se faire un bon souper.»

Question: le mari sait-il qu'il y a un jambon dans le frigo? Non! Il le croit! On distingue traditionnellement au moins trois sortes de connaissance:

3.1) L'ignorance. (L'ignorance n'est pas vraiment une «sorte de connaissance», mais c'est un bon point de départ pour cette explication.) L'ignorance est le degré zéro de la connaissance (on pourrait peut-être dire que l'erreur est «sous zéro»!). Les gens qui ne savent pas disent des choses comme: «Je ne le sais pas», ou «Je n'en ai pas la moindre idée», ou «Je ne peux pas me prononcer en ce moment par manque d'information», etc.

3.2) L'opinion. Aussi appelée «connaissance probable». Une personne qui a une opinion a des raisons pour penser que les choses sont probablement telles, mais sans en être certaine. Remarquez bien qu'elle sait elle-même qu'elle peut se tromper! On ne peut pas être «certain de son opinion», c'est une contradiction dans les termes. Les gens qui ont des opinions disent de choses comme: «Je pense que les Huileux d'Edmonton vont gagner la Coupe Stanley cette année, pour tel et tel raison», ou «Je suis sur à 75% que ceci ou cela est ainsi, à cause de telle étude, ou de tel argument», etc.

3.3) La science. Comme vous pouvez l'imaginer, c'est le degré ultime de la connaissance, ce vers quoi il faut tendre. Quand on sait qu'une affirmation est vraie, c'est qu'on peut prouver qu'une chose est telle qu'elle est, et qu'elle ne peut pas être autrement. Les gens qui ont des connaissances scientifiques disent des choses comme: «Je sais que le Théorème de Pythagore est vrai, car voici la preuve», ou «Quoi que tu dises verbalement, tu es néanmoins psychologiquement incapable de nier que tu existes en ce moment, et ne me force pas à mettre mon Gant du philosophe pour te le prouver!». Faites aussi attention à la définition des mots. Ce qu'on appelle «science» de nos jours (comme la physique, la chimie, la biologie, etc.) est composée en grande partie d'opinions très probables, strictement parlant.

3.4) La croyance. La croyance, ou foi naturelle (par opposition à la foi surnaturelle), c'est prendre pour vraie une affirmation, mais pour des raisons extrinsèques, pas parce qu'on en a l'évidence. Dans l'exemple du jambon ci-dessus, le mari croit qu'il y a un jambon dans son frigo. Il va sans dire que c'est un état très imparfait de notre connaissance.

4) «Mais pourquoi» inclure les croyances dans la catégorie des connaissances?

Si la croyance n'est pas fondée directement sur l'évidence, pourquoi la cataloguer comme une connaissance? Parce qu'une croyance est fondée indirectement sur l'évidence. La croyance ne peut pas porter sur n'importe quelle affirmation! Au contraire, pour qu'une affirmation soit crédible, on doit respecter certains critères:

4.1) Il ne faut jamais croire si on peut et qu'on doit savoir. Si vous avez déjà fait un peu d'alpinisme, vous savez que vous devez vérifier soigneusement que vous êtes bien attaché. Même si votre chef de cordée vous dit: «Crois-moi, ton mousqueton est bien accroché à la corde», vous ne devez pas le croire. Il faut regarder vous-même. C'est la même chose pour les armes à feu: si on vous tend un fusil de chasse en disant: «Crois-moi, il n'est pas chargé», votre devoir est de ne pas croire cette personne, et de vérifier par vous-même s'il est bel et bien déchargé.

4.2) Croire en l'absurde ou l'irrationnel est impossible. Il y a une très grande différence entre une croyance et une sottise ou une superstition. Si votre chère épouse vous dit qu'il y a un jambon dans le frigo, son affirmation n'est pas contradictoire ou absurde en elle-même. Mais si votre épouse vous dit qu'elle a pris sa douche avec de l'eau déshydratée, ou qu'elle a mis un cercle carré dans le frigo, vous ne pouvez pas la croire, car ce qui est absurde ou irrationnel ne peut pas être vrai. Bien sûr, de nombreuses personnes prétendent croire en des choses absurdes ou irrationnelles, mais strictement parlant ce ne sont pas des croyances, mais des superstitions, des sottises, des pseudo-croyances, etc.

4.3) Le témoin doit avoir l'évidence. Fondamentalement, la connaissance a rapport avec l'évidence, directement ou indirectement. Croire une affirmation implique qu'il y a un témoin à quelque part qui a l'évidence de la vérité de cette affirmation. Dans notre exemple du jambon, l'épouse a acheté un jambon, l'a fait cuire et l'a placé dans le frigo. Elle sait qu'il y a un jambon dans le frigo, elle en a l'évidence. Si le supposé témoin ne peut pas avoir l'évidence, alors il ne faut pas le croire!

4.4) Le témoin doit être sain d'esprit. L'exemple que j'aime bien donner est celui de feue ma grand-mère, qui était une sainte femme, mais qui dans ses vieux jours me donnait parfois de la nourriture qui n'était plus fraîche. Sa volonté était impeccable (elle voulait me nourrir), mais elle oubliait de regarder la date de péremption. Ainsi, lorsqu'elle affirmait: «Tiens, je t'ai fait un petit plat!», j'avais tendance à ne plus croire ce témoin, et à renifler soigneusement avant de manger.

4.5) Le témoin doit avoir une bonne volonté. Imaginez un criminel qui dit au juge: «Mais non Votre Honneur, je n'ai pas tué la victime». Le criminel est sain d'esprit, il sait exactement ce qu'est un meurtre, et il comprend la question du juge, mais il n'a pas une bonne volonté. Si le témoin n'a pas une bonne volonté, il ne faut pas le croire.

4.6) Le contenu de l'affirmation doit être vérifiable par la personne qui croit. Non seulement le témoin doit avoir l'évidence, mais la personne qui croit le témoin doit pouvoir éventuellement vérifier par elle-même ce qu'affirme le témoin. Dans notre exemple, le mari pourra vérifier une fois rendu à la maison qu'il y a bel et bien un jambon dans le frigo.

4.7) Il faut un besoin raisonnable de croire. Parfois on a besoin d'une information, mais il nous est impossible de savoir cette information. Par exemple, un bébé doit éviter de planter une fourchette dans une prise électrique, mais il est impossible qu'un bébé en comprenne la raison technique. Alors il doit croire ses parents.

En résumé, on peut dire que la croyance, c'est accepter provisoirement comme vraie une affirmation au moins possible, pour laquelle on ne peut pas facilement avoir l'évidence, parce qu'on a un besoin raisonnable de cette affirmation, et qu'on peut s'appuyer sur l'évidence qu'on a de l'intelligence saine et de la bonne volonté du témoin.

5) «Mais pourquoi» ne pas tout simplement se débarrasser des croyances?

Si vous faites sérieusement un inventaire de toutes les affirmations que vous considérez comme étant vraies, vous allez probablement avoir un choc. En effet, la plus grande partie de nos connaissances sont du domaine de la croyance. Une molécule d'eau est composée de deux atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène? Je le crois, mais je n'en ai pas l'évidence. Le Cardinal de Richelieu (Armand Jean du Plessis) a été Ministre de la France de 1624 à 1642? Je le crois, sans le savoir strictement parlant. «La solution générale d'une équation différentielle linéaire non homogène du second ordre est égale à la somme de la solution générale de l'équation homogène correspondante et d'une solution particulière quelconque de l'équation non homogène.» Ici, au grand désespoir de mon professeur de mathématique, je vais dire encore que je le crois (même si je devrais le savoir!). Mais ce professeur est tellement savant, et il est tellement gentil, que j'ai de bonnes raisons pour le croire!

«Dans la vie d'un homme, les vérités simplement crues demeurent beaucoup plus nombreuses que celles qu'il acquiert par sa vérification personnelle.» [Fides et Ratio, N° 31.]

Plus fondamentalement, on doit croire les affirmations crédibles parce que c'est une étape nécessaire pour bâtir la Science. Individuellement, nous sommes faibles, peu intelligents, souvent malades, pauvres, et notre vie est très brève. Collectivement, si nous unissons nos forces, nous pouvons faire de grands progrès intellectuels. D'une certaine manière, si tous les scientifiques sont vertueux (Rien de trop!), alors ils deviennent un peu comme les neurones individuelles d'un immense «cerveau social», et les connexions morales entre ces «neurones» permettent à l'évidence péniblement accumulée par un seul scientifique de profiter immédiatement à tous, puisque tous les témoins sont crédibles. Si par contre les scientifiques sont menteurs, avares, paresseux, etc., alors le «cerveau social» tombe malade et peut même en mourir.

6) «Y a-t-il de bons livres à ce sujet?»

Oui, mais la liste est encore trop brève (incluant la section sur l'Apologétique qui montre les motifs de crédibilité de la foi en Jésus-Christ). C'est à cause de ma mauvaise mémoire, mais surtout à cause de ma paresse (qui a flambé dans la télévision les années qui auraient pu être consacrées à la philosophie), et de mon orgueil (qui a chassé loin de moi les autres philosophes qui eux sont de meilleures sources d'information que moi), etc.

Mais, croyez-moi, il n'est jamais trop tard pour bien faire! Allons, chers amis «neurones», travaillons ensemble à vaincre l'ignorance et l'erreur!

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